Jérémy Flaum

Jérémy Flaum

Le portrait onirique de Jérémy Flaum

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J'observe son regard qui s'alanguit. La journée offre sa plus belle luminosité, ce soleil qui giffle et frappe le visage puis le corps. Couché sur une plage, les vagues me caressent les pieds comme pour me rappeler la présence de la mer. J'aimerais oublier Mapuetos, ne faire que ça : le regarder jouer avec un ballon rond, un ballon qui n'est pas la lune. Je me réveille dans le rêve, ébloui par les rayons. Dans le ciel, des milliards de bouches translucides, de lèvres rouges qui se meuvent, de bouts de langues jaunes qui apparaissent furtivement comme une invitation. Le ciel a perdu son azur et nous offre un spectacle d'une grande allégrie, en perpétuel mouvement, une installation. J'avais déjà vu un ciel rempli d'yeux mais jamais plein de bouches. Je pense à mes parents qui ne se sont jamais imaginés reliés au monde. Je m'invite à manger un Tonkatsu mais mon conscient me rappelle que je suis végétarien. Toujours couché sur la plage, vingt kilos en moins (c'est à ce moment précis que je me souviens que je suis dans un rêve), je mange des bananes bleues en observant le mouvement des bouches.

Au réveil, lorsque j'ai raconté ce rêve au policier bienveillant, il m'a demandé si je prenais des drogues. Évidemment jamais, mes rêveries psychédéliques ne proviennent pas d'expériences chimiques, tout est en moi, tout le temps. En rentrant à la maison (mais où suis-je ?), au carrefour de quatre rues sans voiture dans une ville où je pensais habiter seul, tous morts depuis belle lurette, sauf le policier, une grande maison perdue dans un paysage comme la dernière dent d'une bouche édentée. Un enfant, qui semble sûr de lui même s'il ne faut jamais se fier aux apparences, court autour du rond-point devant ce qui pourrait être sa maison d'enfance. Je lui crie : bonjour mon petit, c'est ta maison natale ? L'enfant semblait ne pas pouvoir me répondre, sa bouche ne s'ouvrait pas. Il tourne, tourne, et lorsqu'il s'approche de moi, je constate qu'il devient adulte, lorsqu'il s'éloigne il redevient enfant. Il ressemble à un enfant avec une conscience d'adulte. Vous avez prévu de vous arrêter ? , lui dis-je. Il fait non de la tête. Il semblait terrifié. À chaque fois qu'il passait devant la maison de nouvelles dents tombaient de sa bouche qui se remplissait de sang. Comme s'il recevait des coups d'un boxeur invisible. Il court de plus en vite, au moment où il va s'évanouir, je le prends dans les bras pour qu'il ne se fasse pas plus de mal. Je fixe l'instant comme une prémonition.

Ses mains flottent dans le sang, des milliards de ficelles attachées aux doigts d'une main droite blessée, c'était lui le mouvement des bouches dans le ciel. Le jeune homme avec le ballon s'approche et me donne une paire de ciseaux. Je préfère toujours sauver l'homme. Je le déconnecte du festival de beauté, les lèvres s'échappent dans l'univers comme des ballons. Délivré, il parle à nouveau : merci Monsieur, mon nom est Jérémy Flaum et vous ? J'aurais bien aimé lui donner le mien mais je ne parvenais plus à parler. Des ficelles trop grosses s'étaient emparées de mon corps et tiré par la force des bouches, je me laisse emporté, pénétrant enfin, les yeux ouverts entre les lèvres de l'univers. Je me sens parfaitement dans mon élément, rassuré même de ne plus devoir vivre dans cette ville morte. Rassuré aussi de reprendre mes esprits.

Monsieur Lowie, réveillez-vous ! , me dit Jérémy Flaum. Nous allons commencer le tournage d'un nouvel épisode de Prêtez-moi vos lèvres . Les yeux hagards, je dis : je ne prêtes jamais mes lèvres, je les donne .

La main droite de Jérémy Flaum est bandée.

Publications & anecdotes

Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.

Cliquez sur la couverture du livre pour plus d'informations.


Bio

Jérémy Flaum intègre le Conservatoire d’Art Dramatique de Sarreguemines dès l’âge de treize ans, sous la direction de Margot Gauer. Après son baccalauréat, il décide de s’installer à Paris où il poursuit sa formation théâtrale durant deux années à l’école d’Olivier Belmondo, avec pour professeurs Alberte Aveline et Sheila Coren-Tissot. Il participe ensuite à divers stages, dirigés en autres par Philippe Calvario, Laurent Cotillard et Sophie Blondy. Il a joué depuis dans plusieurs pièces de théâtre et tourné dans plusieurs courts-métrage dont « Loin d’eux » d’Emilie Noblet qui a été Lauréat Emergence 2015. En 2017, il a également créé sa propre chaîne Youtube «Le journal de Roman H ». Il travaille aujourd’hui à l’écriture de ses propres spectacles et films.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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