Après une nuit difficile, ces rêves qui ne cessent d’importuner
mes nuits pour me donner des informations en forme de quiz,
je me réveille en entendant quelqu’un gratter à la porte d’entrée.
Je me lève et je découvre un papier chiffonné et griffonné où
je peux lire : Rendez-vous à minuit à l’hôtel du Pacha.
J’ouvre
la porte et j’entends quelqu’un courir dans les escaliers. Pas
envie de l’attraper. Je ne suis pas comme ces
bougres de zouaves
d’anthropopithèques
qui prétendent ne se déplacer qu’avec des
invitations en papier Bristol tout en perdant leur temps sur des
sites de rencontres. Non, mon âme de curieux, d’investigateur du
dimanche, de paranoïaque du jeudi, de reporter du samedi, de poète
les autres jours de la semaine me pousse à y aller avec cette pointe
d’aventurier du mercredi digne des plus beaux romans noirs qu’on appelle jaune en Italie. Je m’attendais donc à une aventure digne
d’Agatha Christie ou des romans de Simenon. J’avais une vague idée
de l’emplacement de cet hôtel que je crus cependant fermé depuis
belle lurette. Arrivé à minuit moins dix au 33, rue de la Liberté en
plein cœur du Guéliz à Marrakech, j’observe la façade de l’hôtel du
Pacha, bâtiment construit en 1934 à la demande du Pacha El Glaoui
lui-même. Tout est silencieux en ville malgré quelques alcooliques
qui découvrent avoir une existence. La porte de l’hôtel est ouverte.
Je pénètre les lieux vides, l’hôtel a la beauté de ces vieilles dames
toutes ridées mais toujours vivantes elles. Des doigts me tapent sur
l’épaule, effrayé je me retourne. Vous êtes Monsieur Patrick Lowie,
je présume ? La Diva vous attend.
L’homme est édenté et n’a que
deux doigts à sa main droite, juste assez pour tapoter l’épaule. C’est
alors que dans une cour intérieure, je découvre, assise dans un
merveilleux sofa, Marie Lloret. Le lieu est splendide. Marie, c’est
la Diva. L’âme créative, créatrice. J’observe ses œuvres, les dessins,
tableaux. Je ne sais dessiner que les fleurs et les femmes,
me lance-
t-elle. Ce qui frappe, c’est l’éclectisme. Impossible de classer ces
œuvres dans un quelconque tiroir d’un meuble à mystères. Pourquoi
cette invitation nocturne et mystérieuse, Marie Lloret ?
Et de me
répondre avec douceur : Voyez-vous de mon Algérie où je suis née,
de ma Haute-Savoie où j’ai vécu, rien ne m’apparut plus mystérieux
que Marrakech. C’est de ce mystère que je crée des objets parfois
baroques, parfois classiques, toujours inspirés par cette fantaisie
atypique du Maghreb. Et la matrice de cette fantaisie est ici dans
cet hôtel. J’aimerais vous en faire profiter.
D’un coup, mes yeux
sont attirés par un tableau poussiéreux. En enlevant la poussière
d’étoiles, je découvre ces mots : Laissez-vous aller au repos des yeux
et de l’âme et à l’éveil (...) effluves des parfums enivrants, ballade
des goûts venus d’ailleurs, au soleil (...) levant des rives Kong des
bords des rizières aux temples de Kyoto (...) ou sur des joncs glissant
en silence dans la baie.
L’homme édenté me fait, de loin, le signe de
la victoire.
Marie LLORET est la fondatrice et la directrice artistique de la société Made in Diva au Maroc. Architecte d'intérieur, designer et scénographe, elle a mise en beauté les plus beaux hôtels de la région.