Aymen El Hankouri

Aymen El Hankouri

Le portrait onirique de Aymen El Hankouri

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Je cours dans un jardin, puis un champ, je traverse enfin un parking en béton. Elle m’a dit : après le parking, tu vas à gauche. C’est exactement ce que j’ai fait mais à gauche il n’y a rien. Juste des milliers de cytises aux grappes de fleurs dorées. Il y a comme une opulence dans le parfum. Je dis qu’il n’y a rien parce qu’elle m’a dit de prendre à gauche après le parking et que là, immédiatement, j’aurais dû trouver ce dont j’avais besoin. Sauf que non seulement il n’y avait rien mais en plus je ne savais plus ce que j’étais venu chercher. Je me suis avancé et j’ai vu les pétales jaunes déteindre sur ma chemise blanche. La chaleur et la lumière (impossible que ce soit la lumière du soleil, ça ressemblait plus à un immense spot), écrasent tout : les désirs, l’envie, l’amour, les regrets, l’avenir. Ici tout est au niveau du béton : la chemise me brûle la peau. Des tâches rouges apparaissent sur mes avant-bras. Je me gratte la peau : les bras, les jambes, les cuisses, le cou, le cuir chevelu, les yeux, tout y passe. Je n’avais pas remarqué la cabine téléphonique. Je cours, je glisse une pièce de dix dirhams mais j’ai oublié le numéro. Qui dois-je appeler ? J’entends : Allô ? Allô ? Patrick Lowie ? Ici l’hôtel Majestic de Mapuetos. Au même moment, je comprends que derrière les cytises il y a l’entrée de l’hôtel Majestic. Suis-je à Mapuetos ou est-ce juste une vision, mon imagination, la projection de mes propres rêves dans un univers qui ressemble à la réalité ? Je dis à la femme :  je viens de me réveiller après avoir fait un rêve. Dans le rêve, j'habite à la mer. Je me dis c’est con, j’habite à la mer et je ne vais jamais à la plage ou à la piscine. Je rentre à l’hôtel, un endroit que je ne connais pas (le Majestic ?) et j’entends la voix de ma mère. Elle me dit : tu vas voir ton patron va te payer en matériaux de construction, briques de ciment et peinture. Je réponds que je n’en veux pas. De là où je suis, je vois la mer de haut et elle est transparente, je vois des poissons et des dauphins. Une femme roule avec sa portière arrière ouverte puis s’arrête et me regarde, c’est une prostituée. Dans le rêve je suis très énervé et je n’écoute personne. J’entends la voix de ma sœur qui se plaint. Je les rejoins, je remarque qu’ils sont bourrés et je m’enfuis, ma mère essaye de me rattraper mais je fais semblant de ne pas l’entendre et je marche de plus en plus vite. Je pensais partir nager mais il pleut et il fait froid. La femme a raccroché, un jeune homme frappe à la porte de la cabine téléphonique. Il me fait signe en tapant son doigt sur l’écran de sa montre, il prétend que je téléphone depuis trop longtemps. Je sors de la cabine, le parfum des fleurs est intenable. J’éternue, le jeune homme aussi. Le jeune homme se présente : je suis Aymen El Hankouri, je ne connais pas cet endroit. Vous savez où nous sommes ? Je lui réponds que moi aussi je suis perdu, que je n’ai plus aucun repère, que je ne comprends plus rien à rien. Il me dit : je suis absolument désolé de vous poser cette question, mais avez-vous toujours une tête comme ça ? Votre tête est immense et ces boutons énormes rouges et verts sur vos joues et sur le nez sont effrayants. Il sort de sa poche un miroir pliant en onze et m’autorise à me regarder. Je suis à peine étonné, je lui réponds : vous n’êtes pas mieux. Il se regarde à son tour et fait une moue résignée. Je poursuis : que faites-vous ici ? Il me dit : je n’ai aucun problème aux dents mais depuis ce matin je suis à la recherche d’un dentiste. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien. Je voulais juste aller chez le dentiste, point barre. Pourriez-vous tourner la tête un peu comme ça, oui, votre visage est désagréable. Je me suis rendu dans un premier cabinet mais il y avait trop de gens, trop de mouvements, des files interminables, un chaos total. Il était impensable d’attendre, j’ai donc cherché un autre cabinet mais là c’était exactement le contraire. Il n’y avait personne, juste un silence plombant et angoissant. Le dentiste, visiblement désespéré, était assis à son bureau, il regardait des vidéos sur son ordinateur, j’entendais le son des vidéos, ces vidéos horribles où les gens se mettent dans des situations grotesques sans aucune imagination, vous voyez ce que je veux dire ? Le dentiste me fixe du regard et me dit que je vais bientôt mourir. Je fais un pas de côté, je ne comprends pas pourquoi j’écoute cet homme qui était pressé, cet homme qui voulait absolument téléphoner et qui maintenant me raconte sa journée, s’il connaissait la mienne, il ne s’écouterait plus chanter. Je lui dis : vous chantez ? Je sens ma tête gonfler davantage. Il poursuit : le dentiste commence à m'expliquer, il me dit que mes énergies de vie sont devenues trop faibles, je ne comprends rien, je n'avais jamais été en si bonne forme qu’aujourd’hui, il parle et parle, me fait un examen du genou gauche, il me dit que c'est là qu’il trouvera une réponse à mes angoisses. Je lui dis que j’ai juste besoin d’un dentiste. Mais il me répond que mes énergies sont faibles, et parle, parle, l'angoisse est totale, puis crack, je n’entends plus rien, je me pose des tonnes de questions en moi, essayant de comprendre ce qu’il se passe, et j’ose lui poser la question : quand vais-je mourir ? Sa réponse était tranchante, sa voix glaciale, son regard haineux, il me dit : dans quelques jours, au plus tard quelques mois. Ensuite, il me dit que j'ai un petit problème de dent, et qu'il peut régler tout cela facilement. Je sens que quelque chose est en train de serrer ma bouche, ça fait trop mal, peu à peu, ça relâche, le dentiste retourne à son bureau, le silence se prolonge. 

Andreï Tarkovski aurait probablement dit dans une telle situation que le poète ne décrit pas le monde mais qu’il le découvre. Aymen El Hankouri me dit : le poète découvre le monde. Les cytises sont brûlés, si loin le phare, gonflés comme des baleines, on s’envole, on survole l’océan, les terres sont jaunes, le ciel s’agite, le silence obsédant, le monde nous oublie. 


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Bio

Aymen El Hankouri est né à Tétouan, au Maroc, après un baccalauréat en sciences expérimentales, il a commencé à étudier les sciences mathématiques à l'université Abdelmaleek Essadi. 

Après une brève expérience d'études d'ingénieur technique en informatique pendant deux ans à l'université de Grenade., Il revient au Maroc, et commence ses etudes de cinéma à  l'Ecole Supérieure des Arts Visuel de Marrakech en 2011. Son court-métrage «Marées» a participé au short film corner du festival de Cannes en 2015. 

En 2016 il obtient son diplome de master en réalisation cinématographique, entre 2016 et 2019, il réalise plusieurs court métrages indépendants,  et  écrit plusieurs scénarios  

En 2020, il participe à Talents Durban et Durban Filmmart. entre 2021-2023 il participe à des résidences d’écritures et continue à réaliser des court métrages (indépendants/ expérimentales) 

Aymen El Hankouri est décédé le 15 avril 2024

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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