Un homme me dit : et si Mapuetos n’existait pas ? Je lui réponds : je sais que Mapuetos n’existe pas, je l’ai toujours dit, cela ne m’avait pas échappé. Il s'approche, une lampe éclaire son visage, l’homme est effrayant, il ajoute : ne seriez-vous pas déprimé ou même dépressif ? Je fais un mouvement de la tête qui ne prête à aucune ambiguïté : le monde est déprimé mais moi, ça va … j’étais juste en train de me dire que je n'avais jamais senti qu’on s’intéressait à ce que je pouvais apporter au monde. Il s’avance davantage, la bouche édentée, l’odeur nauséabonde sort de narines enfumées : et alors ?, me dit-il, vous vous prenez pour qui ? Mais qui est Patrick Lowie, nom d’un chien ? Vous n’êtes rien, aucune valeur, aucun réseau, aucun pouvoir, seriez-vous magicien ? Allez-y dansez ! Chantez ! Il veut poser ses mains sur mon visage, il voudrait écraser ma sale gueule contre le mur. Je ne voyais plus grand chose, il poursuit : en un sens le cadavre est la plus parfaite illustration de l'esprit 1 . Derrière son dos, l’ombre de ses gestes s’étire comme une encre noire prête à engloutir la pièce. Je me soulève et je danse. Mes pieds, pourtant lourds de doutes, s'élèvent comme s'ils ne touchaient plus terre. L’homme se retire, s’excuse, part à reculons, implore, s’échappe, disparaît. Derrière moi, des portes s’ouvrent sur une immense volière, des oiseaux multicolores s’envolent vers une destination inconnue, je me retourne, la lumière m’aveugle. Puis, un murmure, la voix d’une femme, Anne Beigbeder Sollis : Mapuetos existe là où vous cessez d’y croire . Je suis heureuse de vous retrouver ici, cher ami, j'adore vos écrits, votre regard sur le monde, la vie, les humains. J’aime vous lire.
Je reste immobile, le souffle court, les muscles tendus comme des cordes. La lumière vacille, projetant des ombres tremblantes sur les murs délavés. Les oiseaux continuent de voleter, leurs ailes froissant l'air comme du papier de soie. Anne Beigbeder Sollis s'approche, ses pas légers à peine audibles. Sa main effleure mon épaule, une caresse à peine perceptible qui me fait frissonner. Mapuetos est partout et nulle part , murmure-t-elle, il est ce silence entre les mots, ce vide entre les pensées . Je sens mon corps se détendre, comme si une tension ancestrale se dissipait enfin. Au loin, un bruit sourd résonne - peut-être le battement d'un cœur, peut-être l'écho d'un monde qui se referme ou qui s'ouvre, je ne sais plus vraiment la différence. J’ai fait un rêve, j’avais vingt ans. J’aimerais vous attribuer ces mots d’Antonin Artaud, j’aimerais vous entendre dire, allez-y, bougez les lèvres, faites-moi un beau playback : “je voudrais faire un Livre qui dérange les hommes, qui soit comme une porte ouverte et qui les mène où ils n’auraient jamais consenti à aller, une porte simplement abouchée avec la réalité”, vous méritez cet envol. L’homme qui est venu vous torturer n’est que la masse, cette masse gluante qui vous empêche de créer. J’ai fait un rêve, j’avais vingt ans. Une école d’art à New York. Je rêvais que je rêvais, et je rêvais systématiquement d'images archétypales, de cérémonies qui vont bien au-delà de ma personne et de couleurs puissantes. J'étais dans un cirque romain, lumière crue couleurs intenses et un géant écorché, totalement écorché, comme pas fini, sanguinolent, vient vers moi et je n'ai pas peur. Il me prend dans sa main et m'élève au niveau de son visage. Et je sais que ça va aller. Qu'il est là pour me protéger. Puis il me dépose. Ce rêve est plus qu’un rêve. J’ai su qu'il était différent des autres........pour la petite histoire, j'ai lu par la suite, grâce à Jung , que c' était un rêve archétype. Que d'autres personnes l'ont rêvé. Il décrivait exactement mon rêve......je ne veux pas chercher à l'analyser. Oui ça parle de pouvoir créateur. Mais il restera présent. Il est là. En ce moment. Même quand on a tout oublié.
Je me demande si je ne devrais pas me construire une nouvelle identité. J’aimerais lui dire que ses mots me touchent beaucoup mais que je suis muet, je tremble rien qu’à l’idée de dire ce que je pense, ce que je ressens.
Vous êtes un drôle d'écrivain, comme on dit un drôle d'oiseau,....vous n'êtes pas tant un personnage qu'un processus, un devenir, un espace de création en perpétuel mouvement…
je lui demande d’arrêter de parler de moi, ça me gêne.
Le silence s'étend comme une membrane translucide entre nous. Je voudrais lui dire quelque chose, mais mes mots restent coincés au fond de ma gorge, prisonniers d'une geôle invisible. Anne Beigbeder Sollis me regarde, ses yeux semblent traverser mes pensées comme un projecteur à travers un écran de brume. Mapuetos, ce fantôme que je ne comprends pas encore, flotte entre nous, insaisissable et omniprésent. Je sens que quelque chose va basculer, que ce moment est le seuil d'un ailleurs dont je ne connais pas encore la géographie, un territoire où mes doutes et mes peurs n'auront plus cours, où Patrick Lowie pourrait enfin devenir autre chose qu'un nom, qu'une ombre. Je ne suis pas une énigme ou un concept, je suis un territoire, une géographie, une carte topographique ancienne, une plante qu’on aime lorsqu’elle se tait, un chien qu’on adore lorsqu’il lèche…. Arrêtez !, crie-t-elle, arrêtez ! Ce n’est plus le moment de perdre son temps. On est bête des fois. Brisez ce miroir, la beauté n'est pas dans le visage ; la beauté est une lumière dans le cœur. 2 La gracieuse Anne Beigbeder Sollis se transforme en oiseau multicolore. Immense oiseau. Ses plumes d’artiste rendent tout si beau, je lis dans les regards d’un monde éculé mais qui renaîtra forcément de ses cendres, avec ou sans nous. Je reste immobile. Pas sûr d’avoir été agressé par cet homme aux traits de Georges Bataille, pas sûr d’avoir entendu Anne Beigbeder Sollis, pas sûr d’avoir rêvé, pas sûr de devoir me réveiller.
Un vide s'installe, presque palpable. Je suis Patrick Lowie, ou peut-être pas. Mapuetos n'est ni un nom, ni un concept, mais un territoire intérieur dont les frontières se déplacent en permanence. Je pourrais disparaître maintenant, transformé en une poussière d'écriture, en un souffle entre les mots, en ce silence qui résonne plus fort que tous les cris. Le monde continue, indifférent, avec ses hommes aux visages défaits, ses femmes-oiseaux, ses rêves archétypaux. Je ne suis ni réel, ni imaginaire. Je suis simplement ce qui reste quand tout s'efface : une respiration, une trace, un possible.
1
Georges Bataille
2
Kahlil Gibran
Bachelor of Fine Arts option peinture (BFA-2001) de la prestigieuse Parsons School of Design-New School University de New-York, Anne Beigbeder Sollis enseigne la peinture en milieu indien dans le bidon-ville de « pueblo joven » au Pérou, et participe à la création de la Maison de la culture ’YACHAYHUASI’ pour la promotion des arts et de la culture indienne. Elle enseigne par la suite le dessin et la peinture bénévolement àl’orphelinat ‘Los Brasos’ en République Dominicaine, après un passage à Montréal au Canada, les expos s’organisent, New York, Shanghai, Bangkok, Espagne (Exposition collective dans la cadre du congrès international sur la violence faite aux femmes), Grèce, Paris, Biarritz (avec Bartholomé Togo, Omar Ba, en collaboration avec Philippe Djian) et Bruxelles. La transmission de l’art reste essentiel dans sa vie et enseignera à Bayonne-Biarritz-Anglet et à Bruxelles dans les différentes et prestigieuses écoles Européennes de la capitale belge, mais également dans des écoles à discrimination positive. Accueil primo arrivant. Anne Beigbeder Sollis travaille sur sa prochaine exposition qui aura lieu cette année. ‘L’enjeu est la part d’inconscient dans une œuvre d’art’.
Quand Anne Beigbeder Sollis veut consciemment quelque chose, elle ne l’obtient pas, en revanche, si elle se laisse porter, s’abandonner, elle arrive à ses non-fins. Elle travaille ces moments d’absence mêlant intuition et mysticisme et transforme l’extraordinaire dans les choses ordinaires, la part infinie dans ce qui est censé être fini. Les thèmes sont plus Légers, son outil de travail aussi, elle adopte le bic 4 couleurs, Anne Beigbeder Sollis aime les grands formats composés de feuilles superposée et assemblée tel un puzzle, ou plutôt une déchirure, mais plus esthétique, fragilité mise à nue…. Plus on regarde, plus on voit. La question est de savoir ce que l’on voit dans ce que l’on regarde. C’est de l’ordre physique, philosophique, méditatif aussi, ‘Si l’on me donnait une feuille blanche, je serais en peine de trouver quoi en faire. J’ai besoin du réel, de l’observation’, paradoxalement elle avance à l’aveugle. Son dessin est intuitif, instinctif, libéré de toute contrainte académique, elle ne dessine plus, elle écrit ses tableaux, le rapport au temps et la distance sont indissociable . Ses grands formats, sortes de ‘vanités’ à grande échelle, vitraux gothiques contemporains, illisibles et chaotiques de près, deviennent limpides en s’en éloignant. Fascinant intérêt pour le formatage, domination symbolique, soumission? Pour comprendre ses œuvres il faut prendre du recul, comme dans la vie. Anne Beigbeder Sollis ne pense pas droit, ne dessine pas droit, n’écrit pas droit, tout est dans la suggestion. Elle aime cette idée de l’énergie dépensée « à perte ». Le dessin devient écriture, et souligne l’aspect narratif et symbolique de son travail. Chaque trait, chaque couleur, devient un mot dans une langue personnelle qu’elle invente. Cette fragilité apparente devient une source de force et de poésie. Anne Beigbeder Sollis s’approprie l’espace et donne forme à ses pensées, une sensation de profondeur et de durée ou. Le temps semble s’étirer, l’espace se dilater.
sc lowie ie - Yenaky
Chaussée d'Alsemberg 264
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