Florence Cook

Florence Cook

Le portrait onirique de Florence Cook

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Je me réveille à Panarea. Se réveiller dans un rêve. Je pense voir le Stromboli au loin. De la fumée blanche sort de la cheminée terrestre. Le ciel est bleu, la mer est bleue, les maisons sont blanches et les portes sont indigos. Se réveiller à Panarea dans un rêve, signifie que dans la vie réelle tu n’es pas au paradis, mais dans une espèce de cauchemar édulcoré. L'archipel des îles Éoliennes. Je suis assis au soleil, je bois un café amer. Une femme s’approche de moi et dépose un bébé sur mes genoux. Elle me dit qu’il s’appelle Omar. L’enfant me voit et me sourit. Il rit. Sa chair est flasque, le bébé se liquéfie. Une tâche d’eau au sol qui s’évapore rapidement. Silence, la paix. Le stress n’existe plus. Je viens d’acheter cette maison. J’ai gagné deux millions d'euros et j’ai dépensé plus de la moitié pour acheter cette villa sur une île coupée du monde mais ancrée dans mes rêves. Je fais le tour de l’île pour rencontrer mes voisins et je découvre qu’ils sont tous moi. Que je suis eux à l’identique. Physiquement, la voix, le regard, les vêtements, nous sommes les mêmes. Le rêve commence à m’angoisser, je sens mon cœur battre plus fort que d’habitude dans mon sommeil. Il est possible que j’ouvre un œil. Je sais que je ne suis pas encore à Mapuetos. Dans une maison au loin, je vois une femme danser. Ses mouvements créent des traces blanches sur tous les bleus. Des oiseaux suivent le remuement. Il y a un dress code à Panarea : vêtements en lin blanc, kaftans blancs, le tout vaguement rétro. J’aimerais rejoindre la danseuse des vents. Je me perds dans les ruelles, sur les chemins, entre les oliviers, citronniers et figuiers de barbarie, je me perds, me perds… je lis mon nom sur un des murs : Patrick Lowie, c’est par ici. À la place d’une flèche, une sardine bleue. Dois-je suivre la direction de la tête ou de la queue ? Plus loin, une sardine argentée. Plus loin, une sardine dorée. Plus loin, une sardine rouge. Sur les photos, la mer est toujours silencieuse. Dans mon rêve, la mer est un monstre : des voix aiguës, des murmures d’hommes vaincus. La danseuse me voit enfin et me dit : Venez ! Venez ! Venez écouter la lave du Stromboli qui essaie de nous rejoindre par les profondeurs de la mer. Je m’approche enfin. Vous êtes Patrick Lowie, n’est-ce pas ? Je m’appelle Florence Cook. La mer s’agite, la forte houle s’accroche aux rochers, des bulles de lave devenues argentées remontent à la surface. J’ai toujours rêvé de devenir danseuse. Tout ce que vous avez rêvé se réalise ici, sur cette île, ce petit bijou. Et vous ? Qu’avez-vous rêvé que vous n’avez pas fait ? Je lui réponds que j’ai toujours rêvé chanter. Allez-y ! Chantez ! Et je chante pendant plus d’une heure, je chante les plus belles chansons d’Italie et du Brésil. Florence Cook s’arrête de danser et s’approche de moi : le bébé est le vôtr e , le prénom Omar évoque la prospérité et la longévité. Cette île est lumineuse et parfois inquiétante mais tout ce qu’on y voit sont des prémonitions. Le bébé va réapparaître. Prenez-le c’est votre nouvel enfant intérieur. Il va prendre le relais pour les décennies qui vous restent à vivre. 

Je m’assieds un instant, dans un silence mystérieux. Comme si la nature cessait de respirer. Je dis : Florence Cook, je comprends que vous guidez les gens sans rien dire, dans le silence d’un coeur insoumis, vous les nourrissez comme lorsqu’on arrose les plantes millénaires, vous êtes l’arrosoir, il est temps de penser à vous et de danser dans la vie réelle. Votre rêve est un souhait. Ce rêve est une fuite pour sauver votre corps avant le grand changement. Il n’est jamais trop tard. Je sais que vous avez peint ces sardines sur les murs, les poissons dansent aussi. La danseuse s’assied à mes côtés, pose une main droite sur mon épaule et me demande doucement : Croyez-vous encore aux rêves, même lorsqu’ils vous effraient ? Je ne sais pas quoi lui répondre. Je réfléchis. J’observe que les sardines peintes sur les murs commencent à frémir, comme si elles allaient s’arracher à la pierre et nager dans l’air épais de l’île. Ça gronde partout. Je lui réponds : je croirai toujours aux rêves, il n’y a probablement que la torture qui pourra nous empêcher de rêver. Le Stromboli gronde aussi au loin, et je comprends soudain que cette île n’est pas un refuge, mais une porte vers quelque chose d’inattendu, une vérité enfouie sous les vagues. Florence Cook se relève avec légèreté et se remet à danser en me disant : je ne suis pas possédée par l'esprit de Katie King… dans un souffle tiède, le vent apporte un murmure, une voix sans corps qui chuchote mon nom comme une incantation ancienne et qui ne peut que vous apporter toutes les preuves que vos rêves ne sont que prémonitions, cher ami. J’entends une horloge invisible battre quelque part, son tic-tac résonne dans mon crâne, me rappelant que le temps ici n’est pas celui du monde éveillé. La mer submerge l’île, je la vois danser sur la roche du point culminant. Le soleil disparaît, tout devient noir et étoilé. Les battements sont ceux de la création, des couleurs, de la vie, de la danse. Je m’envole, emportant avec moi la longévité et la prospérité, Omar, l’enfant liquéfié, la source qui ne se tarit pas. La femme danse au milieu des eaux en forme de triangle, au coeur de la mer Tyrrhénienne.


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Bio

Fontenay aux Roses - Paris - La Frette sur Seine - Le Caire - Le Mans - Nantes - Paris - Marrakech - Londres - Jeddah - Blandford - Casablanca.

Libraire, assistante d'édition, Chef de projet, développement manager, rédactrice en free lance, agent commercial, documentaliste et référente culturelle, gérante à Comment dire Casablanca .

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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